Strasbourg – La sixième édition du rapport annuel sur l’État de droit, qui examine la situation dans chaque pays de l’Union européenne, reproche à l’Espagne de ne pas avoir commencé à travailler sur une stratégie nationale de lutte contre la corruption et note que le Tribunal constitutionnel a approuvé la loi d’amnistie.
Le rapport souligne les progrès réalisés dans le renouvellement du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ) et appelle à la poursuite des travaux sur le statut du procureur général.
De manière générale, le rapport de cette année confirme une « trajectoire positive » dans de nombreux États membres, des réformes significatives ayant été promues dans les quatre domaines clés qu’il couvre : la justice, la lutte contre la corruption, la liberté de la presse et les contrôles et équilibres institutionnels, a souligné la Commission européenne.
Bruxelles a souligné que les Etats membres se sont entièrement ou partiellement conformés à une grande partie des recommandations de 2024.
Voici les points clés du chapitre sur l’Espagne :
Cadre de la lutte contre la corruption
Le rapport cite un Eurobaromètre de ce mois indiquant que 40 % des entreprises espagnoles interrogées (25 % des entreprises européennes) pensent que la corruption les a empêchées de remporter un appel d’offres ou un contrat public au cours des trois dernières années, soit près du double des 21 % qui avaient fait cette déclaration l’année dernière.
Les principales plaintes, selon le rapport, sont des « irrégularités présumées dans l’attribution des contrats », suivies par des « pratiques de corruption présumées et des réclamations liées à l’exécution des contrats ».
Bruxelles critique particulièrement le fait que l’Espagne n’ait pas commencé à travailler sur une stratégie nationale de lutte contre la corruption prévue à l’origine pour 2024, bien qu’elle reconnaisse que le pays a fait quelques progrès dans la lutte contre la corruption de haut niveau en réduisant la durée de ces enquêtes.
D’autre part, il indique que « les marchés publics, le financement des partis politiques, les projets d’infrastructure et les contrats de service public sont des secteurs clés à haut risque de corruption ».
Le rapport appelle à « intensifier les efforts pour relever les défis liés à la durée des enquêtes et des procédures judiciaires, afin d’accroître l’efficacité de la gestion des affaires de corruption de haut niveau, notamment en achevant la réforme du code de procédure pénale ».
Une autre recommandation à l’Espagne est de « promouvoir le processus législatif visant à renforcer les règles relatives aux conflits d’intérêts et aux déclarations de patrimoine des personnes occupant des postes exécutifs élevés, notamment en renforçant l’indépendance et le pouvoir de sanction de l’Office des conflits d’intérêts ».
Loi d’amnistie
La Commission européenne note que la Cour constitutionnelle a approuvé la loi d’amnistie et rappelle en même temps que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) doit se prononcer sur le règlement à l’issue d’audiences prévues mardi prochain à Luxembourg.
« La Cour constitutionnelle a déclaré que la loi d’amnistie était compatible avec la Constitution et quatre questions préjudicielles ont été soumises à la Cour de justice de l’Union européenne », a souligné l’exécutif communautaire dans son rapport annuel sur l’État de droit dans l’Union européenne.
Bruxelles a rappelé que dans le cadre de ces procédures devant la justice européenne, elle a analysé le règlement basé sur le droit communautaire, dans un rapport dans lequel elle a déclaré que la loi « semble constituer une auto-amnistie », bien qu’elle ait assuré qu' »il ne semble pas y avoir un lien de connexion suffisant » entre les procés et les intérêts financiers de l’UE.
Dans le document sur l’état de l’Etat de droit en Espagne, qui compte 27 pages, Bruxelles a consacré un paragraphe à la loi d’amnistie, soulignant que le règlement « a fait l’objet d’une grande controverse », comme l’a également souligné la Commission de Venise, et qu’il a déjà été appliqué à plus de 300 personnes.
Système judiciaire
Le rapport inclut des données d’un récent Eurobaromètre expliquant que le niveau d’indépendance judiciaire perçu en Espagne reste « faible » parmi la population générale et est passé à « moyen » parmi les entreprises.
Le rapport souligne que des progrès ont été réalisés dans les recommandations faites à l’Espagne dans le passé concernant le renouvellement du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ) et du procureur général, et encourage la poursuite de ces efforts.
D’une part, en ce qui concerne la figure du procureur général, il recommande à l’Espagne de continuer à travailler pour renforcer cette position « en particulier en ce qui concerne la séparation de son mandat de celui du gouvernement, en tenant compte des normes européennes sur l’indépendance et l’autonomie du bureau du procureur ».
Le rapport se penche également sur la situation du procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, qui « fait l’objet d’une procédure judiciaire » car un juge d’instruction de la Cour suprême « a demandé qu’il soit poursuivi » après avoir été accusé de « fuite présumée d’informations confidentielles liées à une affaire de fraude fiscale ».
Le rapport cite également les protestations des juges et des procureurs qui « reflètent les tensions entourant les réformes proposées dans le système judiciaire », selon l’exécutif communautaire. (8 juillet)